Sarmiento est sortie sans sa progéniture , aujourd’hui. Nous espérons qu’elle est d’humeur à chasser, car sans ses petits, ses chances de réussite sont bien meilleures. Les jeunes félins sont souvent imprudents et alertent les proies. Dans l’après-midi, la femelle puma Sarmiento est à l’affût d’une proie. À un kilomètre de là, un grand troupeau d’une trentaine de guanacos est en train de paître.
Les guanacos n’ont pas encore aperçu la chasseresse habilement dissimulée. Effectuant un mouvement caractéristique de son espèce, elle étend puissamment son dos avant de courir vers le troupeau, en utilisant la végétation dense ou de gros rochers pour dissimuler sa présence. Elle ne commet qu’une erreur – elle n’est pas assez rapide lorsqu’elle traverse une zone ouverte, et les guanacos réagissent immédiatement, poussant des cris d’avertissement forts qui alertent tous les animaux dans les environs. La première tentative de chasse a échoué ! L’attente reprend maintenant, jusqu’à ce qu’une nouvelle proie soit en vue.
Heureusement, cela ne dure pas longtemps, et un autre troupeau de guanacos apparaît sur la colline d’en face. Sarmiento se baisse immédiatement et commence à traquer les animaux, en se dissimulant partout où elle le peut. Mais une fois de plus, elle est découverte. Je comprends maintenant pourquoi, en moyenne, une seule tentative de chasse sur cinq réussit. Le troupeau a pris la fuite, ne laissant qu’un grand mâle comme guetteur.
Il se dresse au centre d’un petit plateau, depuis lequel il peut scruter les environs. Sarmiento n’a aucune chance de s’approcher sans être vue. Néanmoins, elle se dissimule derrière un buisson et attend patiemment. Une heure plus tard, le guanaco semble avoir oublié le danger et commet une erreur colossale : il quitte son point d’observation pour paître. Sarmiento saisit immédiatement l’opportunité ; elle se déplace en décrivant un arc de cercle autour de la zone ouverte, afin de s’approcher lentement, derrière sa proie. Nous observons avec tension le déroulement de la situation.
Je me mets en position à quelque 50 mètres devant le guanaco, et j’affecte mes deux pisteurs à des endroits depuis lesquels ils ont une vue dégagée du puma, afin qu’ils puissent me guider si je le perds de vue. Sans se douter de rien, le guanaco continue à s’approcher de moi ; il paît, il me regarde, il paît... Je dois continuellement reculer pour maintenir la bonne perspective avec mon téléobjectif. Cela se poursuit pendant près d’une demi-heure, sur une distance d’environ 500 mètres.
Puis, soudain, Roberto me transmet un message par la radio : « Dix mètres » – le puma va bientôt attaquer ! Je ne vois pas le puma. Il doit être tapi juste derrière le guanaco, qui se dresse sur une petite colline. Dans le viseur de l’appareil photo, je me concentre sur le guanaco, en effectuant la mise au point sur le cou de l’animal, là où le puma devra sauter pour le mettre à terre. Soudain, semblant jaillir de nulle part, Sarmiento bondit sur lui par-derrière. Expérimenté, le guanaco réagit rapidement et se tourne sur le côté.
Le puissant animal échappe à l’étreinte du puma. Toutefois, celui-ci revient aussitôt à la charge, bondissant sur le dos du guanaco et enfonçant ses longs crocs dans le cou de l’animal. Pendant une fraction de seconde, le puma s’accroche au guanaco, se tordant et se retournant pour essayer de le faire tomber au sol. Toutefois, le guanaco mâle joue son dernier atout et s’affaisse de tout son poids sur le puma. Sarmiento est ébranlée par l’impact, le guanaco se dégage et s’enfuit en courant. Tout cela n’aura duré que quatre secondes. Je n’arrive pas à croire ce qui vient de se passer devant mon appareil photo. Lorsque je rejoins mes pisteurs, nous regardons les images sur l’écran de l’appareil photo et nous nous embrassons joyeusement.
Copyright Bilder: Ingo Arndt & Mauritius
About the author
Ingo Arndt
Ingo Arndt was born in Frankfurt am Main, Germany. From early childhood, he spent every single minute of his spare time outdoors in nature. Soon he realized that photography was a useful tool in environmental protection, so, after finishing school in 1992, Ingo plunged into the adventurous life of a professional photographer. Since then, he has traveled around the globe for extended periods as a freelance wildlife photographer, photographing reports in which he portrays animals and their habitats. In the past few years he has been mainly on assignment for GEO and National Geographic Magazine. With his images, Ingo wants to stimulate and increase the awareness of his viewing audience and show them the magnificence of nature.
His adventures with the pumas in Torres del Paine National Park have also been published in the book PumaLand (2019).